Thierry Noiret
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artiste peintre
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Les Annonciations
Thème récurrent de la peinture depuis le moyen-âge jusqu’au XIXème siècle, l’Annonciation est pour moi l’expression même de tous les paradoxes de la création : virginité et enfantement, désir et retenue, création et vide, mouvement et blancheur. C’est un thème que je côtoie, que je porte depuis mon enfance, d’abord en passionné de musées puis en créateur. Les annonciations comme tant d’autres thèmes sont un chemin vers l’essence pure de la peinture… mes annonciations sont bâties sur des formes plus ou moins évocatrices de l’ange et de la vierge et surtout un mouvement central invisible comme absent! Le Verbe?, l’Esprit?, l’essence même de la peinture?
Chose curieuse en ce qui me concerne, avant de sauter à pieds joints dans ce thème, j’ai pris le temps d’écrire un texte sur mes motivations (que vous trouverez ci-dessous) ainsi que de faire plusieurs croquis à partir de toiles de la renaissance italienne.
Annonciation I 2012 20 x 24 350$ |
Annonciation II 2012 16 x 20 275$ |
Annonciation III 2012 16 x 20 275$ |
Annonciation IV 2013 30 x 36 650$ |
Ange de l'Annonciation 2013 28 x 21 650$ |
Couronne d'épines 2013 16 x 16 300$ |
Silhouette crucifiée 2012 16 x 21 275$ |
Déposition 2013 20 x 24 400$ |
Quelques repères autour du thème de l’Annonciation et de la conception de mes peintures.
2012/08/01
Voilà je m’apprête à débuter une nouvelle série et l’idée m’en retient quelque peu. Je suis mûr, le sujet me poursuit depuis 20 ans au moins. Mais une série, cela signifie aussi que le sujet jamais ne sera bon, la représentation toujours fautive. Tout est toujours à recommencer. Je pense à cette torture-là, Monet et sa cathédrale de Rouen, Monet et ses nymphéas, Picasso et les Menines. Cézanne et sa Ste-Victoire. Tous les jours encore et encore. La montagne qui lui parle et Cézanne n’a plus qu’à se taire et reprendre ses pinceaux.
Je m’apprête à travailler l’Annonciation, ce moment unique de l’histoire du Christ, moment fondateur, mais aussi ce moment de la plus présente intimité d’une femme, quand elle dit oui à la vie, ce moment intime où elle accueille une vie qui n’est pas la sienne. Ce moment avant tout d’humilité et de don de son propre corps.
L’on m accusera peut être de religiosité mais il n’en est rien. Il s agit de mystique! On m’accusera peut être de « saint-sulpicerie », aggravée même puisque je suis athée, là où il s’agit de pur formalisme. On m’accusera peut-être de passéisme, là où il s’agit de création, mieux encore de rejoindre cet instant premier de la création, où la toile est blanche et la femme intacte... Où l’esprit seul agit.
L’annonciation ce sont deux êtres, deux formats, deux masses, détachées, séparées comme il se doit, lointaines même dans ce qui les rassemble, la pureté. Ce sont deux masses que rassemble une troisième l’esprit qui s’incarne. L’esprit est fort parce qu’il transcende tout, l’esprit est fort parce qu’invisible... mais l’esprit est faible parce qu’il tient tout entier au bout d’un pinceau, l’esprit parfois s’altère, a peur, s’amenuise quand la main faiblit... La naissance du fils, la naissance de la religion, la naissance de l'histoire est suspendue à la main du créateur.
Et le paradoxe dans tout cela est qu'il ne s'agit pas d'une œuvre mais d une série. Une série pour représenter ce moment unique de l'histoire de l'homme, l'histoire des religions, l'histoire des civilisations.
C’est précisément ce paradoxe-là qui est fondateur : la virginité, le couple, la naissance, tout cela qui est unique mais toujours recommence depuis cent mille ans... Fondateur est le geste de poser la plume, le pinceau, la craie sur la surface vierge pour dire ou représenter.
Mais comment sait-on qu’on aborde une série avant que de peindre la deuxième œuvre? La première pourrait rester unique? La dernière. Cependant certaines œuvres sont déjà plurielles. Elles atteignent cet état de recommencement avant de que d'apparaître. L’Annonciation a été un des thèmes les plus courus du Moyen-âge à la renaissance... Parce que là résidait leur vérité aux créateurs - le premier geste, ils avaient à créer le premier geste. Celui qui annonce la peinture de demain.
Comment procéder? Il me faudra relire les œuvres du passé, intérioriser les former, les épurer, en chercher non pas leur essence, mais l'essence du geste créateur de la forme. Puis résoudre ce que leur tableau résolvait si facilement, la dualité réconciliée ! Je vois encore l'Annonciation comme deux panneaux, deux tableaux, deux œuvres séparées. Qui se répondent. Deux tableaux avec un mouvement commun. Ou un seul mais quelque chose d’invisible qui les sépare. Et les rassemble.
On le voit l'Annonciation est aussi l'expression du champ des possibles. Elle s'annonce elle-même comme infinie. Ouverte autant que Marie peut-être fermée à la procréation.
Ce texte étant somme toute une annonciation aussi qui féconde l'œuvre.
2012/09/09
Si on me revient sur la question pourquoi l'Annonciation, je dirais, il n'y a pas de pourquoi, il n'y a pas de sens dans un tableau, il n'y a que des coups de pinceaux.
Je lisais un article dans un magazine français, genre intello, une entrevue avec David Hockney, artiste dont je ne partage pas nécessairement les options esthétiques mais pour lequel j'ai le plus haut respect car il a inventé son langage, son chemin, son univers et sa peinture, et l'a fait tellement évoluer sans jamais le renier..., je lisais donc qu'il avait eu un de ses premiers coups de foudres esthétiques sur une annonciation de Fra Angelico, celle même probablement dont j'entreprenais une deuxième version.
L’annonciation pour Hockney avait le même rôle que pour moi quelles que soient nos options esthétiques, un générateur de formes, un nid de sens – un lieu de naissance à l’art.
En avançant dans cette deuxième reprise, je me confrontais à 2 problèmes :
Il me semblait (ou m’avait semblé lors de la première version) que l’ange était plus simple que la vierge, plus simple parce que doué du mouvement et d’une forme caractéristique; or en voulant simplifier ce mouvement en utilisant une seule pièce de tissu je me rendis compte que je dénaturais complètement l’œuvre alors que la représentation de la vierge était venue tout simplement.
Je me rendais compte aussi que je complexifiais l’œuvre au lieu de simplifier le matériel comme je l’aurais voulu – la 2 était plus dépouillée de ses lignes mais plus complexe dans les couleurs : je m’éloignais de l’effort d’abstraction ; il me faudrait une 3me version au moins pour épurer le tout.
2012/09/14
Les couleurs : le problème théorique auquel je me confronte d’abord, ce sont les couleurs… parce qu’une annonciation dans mon esprit, c’est blanc sur blanc, ça ne parle que de ça, ça dégorge la virginité. Génial Fra Angelico qui a composé toutes ses annonciations sur fond clair et a pu rendre les volumes et la grâce dans un dénuement de couleur, une pâleur qui fait honneur à son état de moine. Bien sûr il s’est aidé de l’architecture comme le prescrit Vasari et comme le feront tous les peintres de la Renaissance jusqu’à Raphael pour donner corps et volume : les colonnes et arcs en plein cintre composent la toile, lui donnent sa profondeur. Mais après lui, les Annonciation seront toutes faites de couleurs chaudes, même ce maître de la transparence des ciels qu’est Botticelli va restreindre son horizon.
Moi qui désire travailler en à-plats, je n’ai pas cet artifice de l’architecture, dans la 1re acrylique j’ai tracé deux arcs, dans la 2me j’ai figuré sur le haut un rideau qui découvre la scène pour ressortir le sujet central, je sais que j’use d’un artifice mais je n'ai pas encore le secret ultime de la structure, je cherche un chemin entre l’absence d’artifice et l’austérité des couleurs. Ce chemin passe par le volume et la texture des tissus mais il ne résout pas le mystère ultime du symbole.